Quelles aides pour les victimes ?
- Claire Thery

- 5 mars
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mars
3919, CIDFF, permanences dans les associations : de prime abord, il existe
de nombreux services pour venir en aide aux victimes de violences sexistes et sexuelles. Pour autant, les principales concernées jugent ne pas toujours y trouver l'aide dont elles ont besoin.
En 2023, 97 394 appels ont été pris en charge au 3919. Dans 99 % des cas, les victimes sont des femmes. Ce numéro national n'est pas le seul service qui existe. Il est complété par les Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et des associations spécialisées dans l'aide aux victimes. C'est un fait : les femmes cherchent
de l'aide et sont en demande. Comment leur répond-on ? Est-ce satisfaisant ?
Dans certains cas, elles font face à un mur. Une écoute dénuée d'empathie et empreinte au contraire de jugement, voire de culpabilisation.
« Violences Femmes Informations, bonjour »
Le service « Violence Femmes Info » existe depuis 2014. Il s'agit du « numéro national de référence pour l'écoute et l'orientation des femmes victimes de violences », mais
le numéro 3919 a été créé en 1992. Il est anonyme et gratuit depuis les postes fixes.
Les écoutantes peuvent orienter les victimes vers des associations spécialisées, réparties sur tout le territoire et partenaires de la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF). Selon l'observatoire de la FNSF, 93 % des appels concernent des violences conjugales. Un chiffre qui rappelle la nécessité de l'existence de ce numéro pour les victimes.


Selon ses dires, Emmanuelle a été mal reçue par le 3919, quand elle réussissait à avoir quelqu’un au bout du fil. Depuis octobre 2020, elle dit avoir tenté sans relâche d'être mise en contact avec une écoutante. Dans un enregistrement qu’elle nous a fourni,
alors qu’elle évoque le manque d’écoute du service avec une interlocutrice du 3919,
cette dernière lui reproche son ton « agressif » et une « conversation qui ne vole pas très haut ». L'écoutante rejette la faute sur Emmanuelle. C'est la victime qui ne mène pas correctement la conversation, c'est sa faute si l'appel se déroule mal et si le lien
de confiance ne peut pas se construire. Emmanuelle s'attendait à être entendue, à ce que
le service s'excuse et crée un espace de confiance pour recueillir sa parole. Elle ne trouve qu'une personne qui ne l'écoute pas, voire lui raccroche au nez.
« Le 3919 ne fonctionne pas. Il n’y a aucune écoute. Quand j’appelle, soit ça ne décroche pas, soit on me répond mal. Je suis dégoûtée », explique Emmanuelle. « C'était affreux, on aurait dit que je les emmerdais », raconte une autre victime.
Nous avons appelé à plusieurs reprises le 3919. Au premier appel, nous avons pu converser avec une écoutante de qualité, empathique, avec un ton calme et rassurant. Aux appels suivants, nous n’avons pas réussi à joindre une écoutante, et ce même après une dizaine de minutes d'attente.
Une enquête de FranceInfo, publiée en juillet 2017, pointait déjà certaines « remarques déplacées » : « Vous avez joué avec le feu », « Continuez à penser ça [que vous n'y êtes pour rien] si vous voulez, mais il continuera de vous arriver ce genre de choses », relèvent différentes femmes pendant leurs appels au 3919. Françoise Brié, directrice générale
de la FNSF à l'époque, admettait que le service recevait parfois des plaintes de femmes mécontentes de l'accueil, tout en soulignant leur rareté.

Aujourd'hui, le 3919 s'inquiète de plusieurs coupes budgétaires. Par exemple,
la région des Pays de la Loire a annoncé des réductions budgétaires affectant les secteurs de la culture et de l'égalité femmes-hommes pour 2025. Une décision qui
« met en danger le financement et l'action » des associations comme Solidarité Femmes 49 et 72. Plusieurs antennes régionales disent manquer de moyens. Une raison
qui explique, en partie, les dysfonctionnements du service.
Le CIDFF : une écoute à géographie variable
Àla sortie de sa relation avec Gus, Emmanuelle se rend au CIDFF de sa région.
Selon la quinquagénaire, elle obtient un rendez-vous avec une juriste, qui arrive en retard et lui dit avoir une heure à lui consacrer. La juriste la « prend de haut », et quand Emmanuelle affirme qu’elle a eu affaire à un « psychopathe », on lui répond « vous êtes psy pour le dire ? ».
Emmanuelle n’est pas la seule à être déçue de ce service. D’autres avis Google concernant le même CIDFF parlent d’« association fantôme », un « accueil téléphonique déplorable », « aucune prise en charge » et une « référente du service violences qui broie encore plus ». Nous avons contacté le centre dénoncé par Emmanuelle. Nous avons rapidement joint quelqu’un, qui nous a ensuite dirigés vers des psychologues, des juristes et un groupe de parole.
Ces avis varient d’un département à un autre. Nous avons regardé les commentaires laissés sur les pages Google d’autres CIDFF, et ces derniers divergent. Ainsi, il semble que certains prodiguent « de bons conseils », et d’autres non.
Loris Jecko et Claire Thery
Photos : Pexels






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